ACSIS CAMEROUN Newsletter N°5 - Août 2007.
11. Le MIT, Massachusetts Institute of Technology met gratuitement ses cours sur Internet.

«L'une des meilleures façons de faire progresser l'éducation dans le monde passe par l'internet». déclare Anne Margulies, directrice du programme OpenCourseWare. Programme par lequel le MIT permet à toute personne - étudiant, éducateur, chercheur, travailleur, professeur... - d'accéder à ses cours sans débourser le moindre centime. Les cours présents sur la plateforme OpenCourseWare vont de l'architecture à la science politique en passant par les sciences nucléaires, l'antropoplogie, l'histoire, les langues étrangères, l'économie, la biologie, l'informatique, l'aeronautique, la physique, la chimie, les arts, le management.... Ce projet prévoit mettre l'intégralité des quelques 1800 cours du MIT en ligne d'ici la fin de l'année. Le buzz (lire beuzz) en ce moment sur internet étant l'autoformation, la formation en ligne ou encore le e-learning.
Le MIT, Massachusetts Institute of Technology a été fondé par William Barton Rogers en 1861. Initialement conçu comme une école d'architecture, le Massachusetts Institute of Technology est rapidement devenu pluridisciplinaire avec cinq écoles pour vingt-sept départements; il est même considéré comme la meilleure université occidentale en sciences et en technologies. Des grands noms sont issus de cette prestigieuse université. l'inventeur du web Tim Berners-Lee, Richard Stallman, le fondateur du mouvement pour les logiciels libres ou le mathématicien Norbert Wiener, qui fut le fondateur de la cybernétique.
Nous vous proposons une interview de Jon Paul Potts responsable de la communication OpenCourseWare du MIT. Extrait du site atelier.fr

A quel moment a été lancé le projet OCW ? Quelle est son idée fondatrice ?

MIT OpenCourseWare (MIT OCW) est un projet unique de par son ampleur et la précision de ses contenus, que nous offrons gratuitement en ligne. Tandis que de nombreuses universités mettent en ligne leurs cours pour un usage restreint à leurs élèves et professeurs, le MIT a choisi une publication ouverte à tous des contenus de ses enseignements. D'ici à 2008, notre projet est que tous les cours du MIT, issus de ses 33 disciplines académiques et de ses cinq établissements soient en ligne.

Les fondements de ce projet ont été établis en 1999, au moment où le doyen du MIT monsieur Robert A. Brown a demandé lors d'un conseil d'établissement à ce que l'on examine le positionnement du MIT face à l'environnement du e-learning. Brown a posé deux questions aux membres du conseil : Quels vont être les impacts d'Internet sur l'éducation, et comment le MIT va-t-il se positionner face à ces impacts ?

Nous en étions alors aux premiers âges d'Internet : la bulle n'avait pas encore explosé et beaucoup d'écoles avaient déjà lancé des initiatives et des partenariats autour du e-learning. En fait, les membres de ce conseil ont supposé que leur travail les mènerait à la simple ouverture d'un MIT.com.

Cependant, en réfléchissant une nouvelle fois à la mission du MIT, les membres du conseil en sont venus à se poser une question très simple : Pourquoi n'utilisons-nous pas Internet pour donner gratuitement les contenus de nos cours ? Le président du MIT Charles M. Vest déclarait peu de temps après, dans une interview accordée en avril 2001 au New York Times que le projet OpenCourseWare exprimait un principe essentiel du MIT : « L'éducation progresse lorsque l'on y donne accès, lorsque l'on invite, les autres à y participer ».

Combien de cours sont aujourd'hui en ligne sur OCW ? Sont-ils disponibles en anglais seulement ou dans d'autres langues également ? Ces cours sont-ils les mêmes que ceux donnés aux cours du MIT ?

Le vendredi 17 septembre 2004, il y aura exactement 900 cours publiés sur le site de OCW, issus des cinq écoles du MIT : architecture, ingénierie, science, sciences humaines – arts – sciences sociales et management.

Pour ce qui est des langues, nous avons le plaisir d'offrir également la traduction en espagnol et en portugais de 70 cours du MIT, via un partenariat avec Universia.net, un portail Internet représentant un consortium de 724 universités en Amérique Latine, en Espagne et au Portugal.

Dans la plupart des cas, les cours qui sont publiés sur OCW ne sont pas les même cours que ceux que suivent les étudiants au même moment. Ce sont des cours du semestre ou de l'année passée, datés. Vous trouverez par exemple le cours de mécanique structurelle donné par le professeur Paul Lagace à l'automne 2002.

Sous quel format les cours sont-ils présentés?

Sont disponibles : les programmes de cours et leur contenu, les notes de lecture, les bibliographies, les examens proposés aux élèves, des exercices avec leurs solutions et des programmes vidéo. Pour qu'un maximum d'utilisateurs puisse visiter le site, le MIT a adopté certains principes : les cours peuvent être vus sur Macintosh comme sous Windows, avec Netscape ou Internet Explorer.

Les internautes peuvent-ils poser des questions aux professeurs dont ils suivent les cours pour leur demander un conseil ou une explication ? Y a-t-il des forums de discussion sur OCW ?

La raison d'être de MIT OCW est de publier les cours du MIT, pas de proposer une expérience d'interactivité avec l'école du MIT. Il fournit le contenu, mais n'est en aucun cas un substitut aux enseignements complets du MIT.

La pierre angulaire du MIT, c'est une éducation basée sur l'interactivité entre les étudiants et les professeurs et entre les étudiants eux-mêmes sur le campus. Ce n'est pas du tout ce qui est proposé sur OCW. En revanche, les internautes peuvent envoyer par courrier électronique des demandes de précisions sur un cours, qui seront transmis au professeur concerné.

En outre, nous avons récemment mis au point un système qui permet aux étudiants internautes des quatre coins du monde de se retrouver dans des forums, d'organiser des groupes de travail, etc. Aujourd'hui, cette mesure s'applique à sept cours du MIT.

Quel est le profil des personnes qui visitent régulièrement le site et profitent des cours disponibles? S'agit-il principalement d'étudiants et de professeurs ? Combien de visites enregistrez-vous sur le site chaque mois?

OCW est utilisé par ceux pour qui il a été fondé : professeurs, étudiants et auto-apprenants. Au mois de novembre 2003, du 6 au 19, nous avons analysé les visites sur le site, à l'aide d'un questionnaire auquel 1220 personnes ont répondu. Ses résultats sont les suivants :

- Nous enregistrons en moyenne sur l'année 12.000 visites par jour . Il y a un cœur solide de visites répétées (environ 25 %). Plus de 95 % des visiteurs envisagent de revenir sur le site prochainement. Presque 10 % des sondés ont rapporté un usage quotidien du site, et 25 % un usage à peu près hebdomadaire. Plus de 40 % affirment être déjà venus sur le site une dizaine de fois auparavant.

- 45 % des utilisateurs sont des nord-américains, 19 % sont européens et 18 % vivent dans les pays de l'Est asiatique.

- 52 % des visiteurs d'OCW sont des « self-learners » (apprenants indépendants) qui à 80 % disent fréquenter le site pour approfondir leurs connaissances. 31 % sont des étudiants qui veulent trouver des matériaux sur les cours qu'ils suivent dans leur propre établissement. Et 13 % sont des enseignants. Ces derniers ont la possibilité d'utiliser les matériaux disponibles sur OCW pour la composition de leurs propres cours : c'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle ils visitent le site (44 % citent cette raison).

- Le taux de satisfaction de l'ensemble de ces diverses populations est excellent puisqu'il est de 92 % !

Depuis 2001, nombre d'universités ont lancé des programmes e-learning. Cependant, ceux-ci requièrent très souvent un abonnement payant, qui, on l'imagine, permet aux établissements de rentrer dans leurs frais. Qu'en est-il pour le MIT, qui a choisi de mettre ses cours à disposition de tous gratuitement ?

L'investissement initial, sur le projet OCW, est de 11 millions de dollars. Il a couvert les frais pendant les deux premières années d'OCW et a été apporté par la fondation Andrew W. Mellon et la fondation William et Flora Hewlett. Le MIT lui-même a contribué à l'investissement à hauteur d'un million de dollars sur cette période.

A l'heure actuelle, nous étudions divers plans de financement qui assureraient à OCW sa pérennité. Sur du long terme, la plupart des coûts induits par cet énorme projet seront à l'actif du MIT lui-même.

Comment le site a-t-il été développé ?

Le MIT et la Sapient Corporation, une société de conseil, ont développé conjointement OCW. Aujourd'hui, notre système de publication et notre technologie sont en place. Pendant la phase pilote du projet, qui s'est terminée en septembre 2002, tout le site a été construit par une équipe de programmeurs du MIT qui a mis en place les 50 premiers cours du programme.

En janvier 2003, nous avons implémenté un système FileMaker Pro, qui a permis de recenser toutes les documents dont nous disposions : les cours, les programmes, les contacts de l'établissement, et toutes les autres informations éparpillées qui une fois regroupées permettaient de recréer l'unité d'un cours.

A l'automne 2002, nous avons sélectionné un système de gestion des contenus : Microsoft Content Management System 2002. Et puis il nous a fallu développer un environnement technologique propre, en partenariat avec Akamai Technologies, de Cambridge, pour mettre à disposition les cours via leur réseau de distribution, pour maximiser la performance du site.

Aujourd'hui, combien de professeurs mettent leurs cours à disposition sur le site ?

La participation au site se fait sur la base du volontariat. Aujourd'hui, nous recensons les cours d'environ 550 professeurs (sur 950).

Avez-vous rencontré des résistances de professeurs qui ont refusé de publier leurs cours?

Lorsque le concept d'OCW a été présenté à tous en 2001, certains ont effectivement précisé qu'ils ne pourraient participer au projet. Deux explications revenaient fréquemment : le contrainte de temps et la crainte que l'établissement perte le contrôle sur les contenus des cours.

Délivrez-vous un diplôme aux personnes qui suivent les cours sur Internet ? L'université Columbia, elle, délivre des certificats attestant du suivi des cours.

Encore une fois, OCW n'est pas un projet d'études à distance. Son dessein n'est pas de remplacer une quelconque formation, mais de fournir des supports d'enseignement. Sur le site, les internautes n'ont pas à s'identifier, ils accèdent au contenu directement. Et nous ne délivrons ni diplôme, ni certificat quel qu'il soit. Nous ne le ferons sans doute jamais.

Cette initiative OCW ne dénigre-t-elle pas d'une certaine manière les enseignements que suivent les étudiants du MIT ?

Etudier au MIT, c'est :

+ assister aux cours,
+ vivre sur le campus,
+ faire l'expérience d'une relation absolument unique avec les professeurs et les chercheurs.
Tout cela n'est pas compris dans le projet OCW…

Quel est le grand objectif qui sous-tend le projet OCW ? OCW n'est-il pas finalement un excellent outil de communication, qui sert la notoriété de l'école et dissémine l'image d'une institution qui forme de grands projets pour l'avancée des populations par l'apprentissage?

MIT OCW doit servir de modèle à la dissémination du savoir, à l'âge d'Internet. Il appartient à la culture du MIT qui veut que les connaissances soient partagées. Aujourd'hui, la mission du MIT est la suivante :

Faire avancer nos connaissances et enseigner à nos étudiants la science, la technologie et tous les autres domaines qui vont servir notre nation et le monde entier dans le 21 ème siècle.

Quels sont les projets d'OCW pour l'avenir ?

Rester gratuit et ouvert à tous. Et publier toujours plus de cours.

Le site devrait connaître plusieurs évolutions : un moteur de recherche plus efficace, de nouvelles techniques pour une conversion plus aisée des contenus sous format numérique, l'intégration de davantage de vidéos et le développement de technologies permettant d'aider à la constitution de communautés d'apprentissage.

Gilles Tounsi