ACSIS CAMEROUN Newsletter N°7 - Décembre 2007.
11. Pour une conscience archivistique au Cameroun.

Le problème de la production exponentielle des documents administratifs dans les services publics et privés se pose avec acuité aussi bien dans les pays développés que dans ceux en développement. Les facteurs déterminants de cette expansion de la production documentaire au cours de ces dernières décennies sont notamment liés aux besoins de l'activité des services publics et privés et les progrès des technologies de l'information et de la communication (TIC). Pour faire face à l'accroissement continu de la masse documentaire ainsi produite, l'organisation d’archives exige davantage de méthodes de gestion modernes. Pour le profane, le concept « archives » est d'usage assez varié d'où la diversité des contenus qui lui sont attribués. Le mot désigne des souvenirs, un recueil de documents de diverses natures ou le lieu où ils sont conservés. D'une manière simple, les archives constituent la mémoire historique d'un peuple.
Sur le plan professionnel, la loi camerounaise n° 2000/10 du 19 décembre 2000 définit les archives comme l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leurs supports matériels, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l'exercice de leurs activités.
Dans la théorie, on distingue trois stades dans la vie des archives :
- le premier âge comprend les archives vivantes d'usage courant ;
- le deuxième âge est constitué d'archives intermédiaires consultées de façon épisodique ;
- le troisième âge regroupe les archives dont la valeur historique et scientifique est avérée et dont la conservation est nécessaire pour le patrimoine national ou l'histoire. Pour assurer une bonne gestion des archives, les professionnels font recours à des outils performants tels que le « cadre de classement » et le « calendrier de conservation et d'élimination des archives » ou « tableau de gestion des archives », selon l'école canadienne ou française. Les avantages de ces outils s'apprécient à la fois en terme d'organisation, de classement, de gain d'espace pour la conservation des dossiers et de gain de temps pour leur recherche et leur communication. A l'heure actuelle l'outil informatique, les supports électroniques et la numérisation facilitent et améliorent quantitativement la gestion des archives. Le Cameroun, maillon de la chaîne mondiale sur le plan du développement scientifique et technique, industriel, économique, social et culturel, n'échappe pas à ce phénomène, la globalisation aidant par ailleurs. Cependant, d'après des audits organisationnels, comptables et financiers réalisés en 2002 dans plusieurs ministères de notre pays, l'archivage de la documentation produite dans les administrations publiques présente les difficultés quant à la conservation et l'accès aux documents. Cette situation n'échappe ni au personnel desdits services, ni à leurs usagers. Les principaux constats des études suscitées sont les suivants :
- la non application des méthodes et normes reconnues dans la gestion des documents ;
- les services de documentation et d'archives ne sont pas dotés d'attributs conférés à une structure reconnue comme déterminante dans le processus organisationnel de l'administration ;
- l'absence de formation des agents, même dans les domaines dits élémentaires comme le classement, les premiers tris, ou la conservation des documents ;
- le stockage de documents en plusieurs exemplaires dans les services ;
- l'absence d'une politique nationale de gestion des archives permettant l'utilisation de l'immense potentiel des jeunes cadres formés à l'Ecole supérieure des sciences et techniques de l'information et de la communication (ESSTIC) et dans les écoles étrangères de réputation internationale ;
- l'absence d'infrastructures immobilières pour la conservation d'équipements modernes et d'outils normatifs de gestion des archives.
Les conséquences immédiates d'une telle situation sont nombreuses. Parmi les plus visibles on peut citer :
- l'engorgement des services avec des archives semi actives à transférer ou à archiver ;
- l'absence totale de procédures formalisées d'archivage (délai de conservation des documents) dans toutes les administrations ;
- des conditions de stockage précaires et non sécurisées rendant les lieux de conservation insalubres, entraînant la confusion entre fumiers et fonds d'archives ;
- la difficulté permanente de retrouver des documents de travail dans un bref délai ;
- la lenteur de prise de décisions dans les administrations.
Ce paysage désolant de l'archivage est préjudiciable au développement du Cameroun sur au moins deux plans.
a) La bonne gouvernance dont l'un des piliers est la transparence ne peut être appliquée faute de dossiers comptables et financiers bien organisés et conservés.
b) Le patrimoine historique national se trouve dangereusement hypothéqué.
Afin de redresser la situation, le gouvernement a déjà lancé un vaste chantier pour la création d'un cadre conceptuel et infrastructurel d'un système de gestion documentaire et archivistique au Cameroun. Ce chantier est concrétisé par :
- le décret n° 086/752 du 23 juin 1986 portant statut particulier du corps des fonctionnaires de la documentation,
- la loi N° 2000/10 du 19 décembre 2000régissant les archives et son décret d'application N° 2001/958/PM du 1er novembre 2001,
- l'ouverture de la filière documentation à l'Ecole supérieure des sciences et techniques de l'information et de la communication (ESSTIC) en 1995, pour la formation d'un personnel qualifié dans les métiers de l'information documentaire.
A la suite de ces mesures, des pistes complémentaires restent à ouvrir, entre autres :
- donner aux services de documentation et des archives des administrations publiques et privées des attributs que leur confèrent les textes en vigueur ;
- mettre en place des procédures normatives de gestion moderne des documents et des archives ;
- construire des infrastructures immobilières adéquates pour la sécurisation et la conservation des documents dans les bibliothèques et les centres d'archives, exemples : la bibliothèque nationale (BN), les archives nationales ;
- acquérir des équipements modernes pour la bonne gestion desdits documents avec une exploitation maximale de l'outil informatique, de l'internet et de la numérisation;
- permettre le recrutement des jeunes cadres formés à l'ESSTIC et autres écoles spécialisées ;
- intégrer la culture de l'archivage dans les habitudes des populations camerounaises.
Ainsi sera donnée à la documentation et à l'archivage l'importance qui est la leur dans le cadre du plan de développement global de notre pays qui doit, pour son émergence s'intégrer dans la société de l'information.

Owono Mbida , Inspecteur de la documentation,
Diplômé de l'EBAD